Lyon - Intégration
Les deux facettes de l'immigration
Il y a ceux qui, par leur réussite, sont sortis des cités ghettos de Villeurbanne ou de Vénissieux et ceux qui y vivent encore, souvent désoeuvrés.
Avec des parents arrivés d'Algérie en 1955 et sept frères et soeurs, Jihade Belamri a grandi à Vaulx-en-Velin. Aujourd'hui, à 45 ans, ce père de deux enfants est chef d'entreprise. Son bureau d'études, BEE, situé à Villeurbanne, emploie 37 personnes.
Deux hommes, deux histoires représentatives de l'insertion des populations issues de l'immigration maghrébine.
1983 : de violentes émeutes éclatent sur les quartiers. Des dizaines de jeunes de la banlieue lyonnaise décident alors d'exprimer leur ras-le-bol de l'exclusion, du fond de leurs cités ghettos. 100 000 personnes défilent le 3 décembre à Paris. Les espoirs soulevés par cette « marche des beurs » sont immenses.
Vingt ans plus tard, le constat est amer. « Les espoirs ont été déçus. Rien n'a changé », remarque Boualam Azahoum, un des responsables du collectif d'associations DiverCité. Ahmed Khenniche, président du MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) du Rhône estime même que « les discriminations se sont aggravées. »
La discrimination s'observe sur le terrain de l'emploi. « Encore aujourd'hui, quand on vient des quartiers en majorité arabes et qu'en plus on a un nom à consonance arabe, il est plus difficile de trouver un travail », reconnaît Martine Roure, adjointe aux affaires sociales et à la solidarité, à la mairie de Lyon. Sur leurs CV, certains préfèrent ne mettre que l'initiale de leur prénom ou vont encore au-delà. « Mon beau-frère, a changé son prénom pour les entretiens d'embauche. Il disait s'appeler Edouard et non Mohammed, » raconte Mustapha Ghouila. Azedine Haffar, chargé de clientèle dans une société de téléphonie, se souvient, lui, d'un entretien d'embauche qui s'est mal terminé : « Tous les critères correspondaient à mon profil, la discussion avec le patron se déroulait sans problème, jusqu'au moment où il m'a demandé mon origine. Quand je lui ai répondu que mes parents venaient d'Algérie, il m'a dit que cela risquait de poser problème, car ça allait gêner certains membres du personnel. »
Aujourd'hui, dans les quartiers, explique Boualam Azahoum, « ce sont les jeunes diplômés qui sont les plus aigris car, malgré leurs compétences, ils se retrouvent dans des postes sous-qualifiés ». La mauvaise situation économique ne vient, en outre, rien arranger. A Vaulx-en-Velin, où plus de 50 % de la population est étrangère ou d'origine immigrée, «17 % des gens sont au chômage. Un taux qui monte à plus de 30 % aux Minguettes et à plus de 40 % pour les jeunes de ce quartier», précise André Gerin, son député maire communiste.
Si une partie de la population des quartiers se sent exclue, c'est enfin parce qu'elle se trouve écartée de la scène publique. Cette population est mal organisée et les élus locaux ne s'en préoccupent pas. Quant aux responsables politiques, très peu sont issus des quartiers, relève Abdelaziz Chambi, porte-parole de l'UJM (Union des jeunes musulmans). «Et ceux qui le sont servent parfois de caution à une mairie fière d'avoir un indigène pour faire de la figuration.»