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MARIANNE ET LA DEVISE DE LA RÉPUBLIQUE |
Des origines lointaines L'image de La Marianne trouve son origine dans l'Antiquité. Le bonnet phrygien est porté par les affranchis de l'Empire romain, esclaves auxquels leur maître a rendu la liberté et dont les descendants sont considérés de ce fait comme citoyens de l'Empire. La Démocratie est déjà représentée sous des traits féminins ; à ses pieds un gouvernail et un sac de blé à moitié renversé; peu soucieuse de puissance, elle se préoccupe en effet surtout des aspirations du peuple. Marianne dans les tourments de la Révolution française A partir de 1789, des sculptures, des tableaux, représentent des personnages féminins portant les valeurs de la Révolution française au premier rang desquelles est placée la Liberté. La Liberté apparaît sous les traits d'une jeune femme, portant une robe courte et tenant dans sa main droite une pique ornée du bonnet phrygien. C'est une guerrière symbolisant l'idée que la liberté s'acquiert par les armes. Parfois, cette figure de la Liberté paraît plus sage, plus grave, drapée d'une longue robe tunique, dans une posture plus sereine. Elle perd alors nombre de ses attributs dont le bonnet phrygien, porté par les révolutionnaires. L'Egalité prend aussi la forme d'une jeune femme suivie par des enfants portant les symboles des trois ordres de l'ancien régime : les outils agricoles du Tiers-État, la Bible du Clergé et la couronne de la Noblesse, synthèse de l'ancienne et de la nouvelle France. A l'origine, L'Egalité tient dans ses mains une balance en équilibre, celle du Jugement dernier, mais les artistes révolutionnaires lui préfèrent le niveau, symbole d'égalité plus que d'équité. La Fraternité tient un bâton surmonté du coq gaulois et derrière elle, deux enfants mènent attelés ensemble un lion et un mouton. En 1792, la jeune République choisit de s'incarner sous les traits de Marianne, la mère-patrie. Marianne est souvent armée et casquée, comme l'Athéna grecque. La République est guerrière et protectrice, elle combat pour défendre ses valeurs, au premier rang desquelles la Liberté, comme à Valmy où, face à la réaction monarchiste, elle affirme sa vocation universelle. Un décret de 1792 dispose que "le sceau de l'État serait changé et porterait pour type la France sous les traits d'une femme vêtue à l'antique, debout, tenant de la main droite une pique surmontée du bonnet phrygien, ou bonnet de la Liberté, la gauche appuyée sur un faisceau d'armes; à ses pieds un gouvernail". Marianne a retrouvé des attributs anciens, notamment le lion et le trône, mais elle tient dans ses mains, outre l'épée ou le faisceau d'armes, le drapeau tricolore français. A ses pieds, on trouve la loi et la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen présentée au monde. A la même époque, ses ennemis caricaturent la République en lui donnant le nom populaire de Marie-Anne car si la République veut s'occuper du peuple, disent-ils, elle doit en porter le nom. Marianne affaiblie : Empire et Restauration Après 1799, la fin de la République et l'établissement du régime de l'Empire affaiblissent la représentativité de Marianne, même si le thème de la Liberté reste vivace. Nombre d'artistes la perpétuent, parmi lesquels notamment Eugène Delacroix dans La liberté guidant le peuple aux barricades de 1830. Le nom de Marianne réapparaît un temps avec la seconde République mais prend souvent un sens péjoratif. Les partisans de la République sociale reprennent le prénom. Dans le même temps, un concours est organisé en 1848 pour définir la représentation de la nouvelle République où réapparaîtraient les valeurs révolutionnaires. En proclamant le régime de l'Empire en 1852, Napoléon III fait remplacer sur les pièces de monnaie et sur les timbres-postes la figure de Marianne par sa propre effigie. Parallèlement, des groupes d'opposition républicains se constituent, et prennent Marianne comme figure de ralliement. Marianne retrouvée, la Commune et la Troisième République Dès le retour de la République, la Commune parisienne développe le culte de la combattante révolutionnaire au buste dénudé qui porte le bonnet phrygien rouge des sans-culotte. Mais à Paris celle-ci n'est jamais appelée Marianne et le nom n'est utilisé que dans les provinces. Dans chaque ville, des statues, des cloches portent ce prénom et rappellent les grandes heures révolutionnaires : 1789, 1830, 1848. En 1871, après la Commune, les fondateurs de la IIIe République veulent restaurer la symbolique républicaine sans pour autant encourager des mouvements révolutionnaires. Ils préfèrent donc au bonnet phrygien la couronne d'épis de blés, inspirée de la couronne de soleil qui ornait les pièces de 1848. Mais le modèle est diversement suivi et dans toute la France s'oppose statue à épis et statue à bonnet phrygien. Quant au nom qu'il faut lui donner, tout dépend de la classe sociale : le républicain du peuple la nomme "Marianne", le républicain bourgeois parle de "la République" et l'anti-républicain, s'il ne l'injurie pas par un "la gueuse", emploie "Marie-Anne" de façon péjorative. Peu à peu les bustes se multiplient dans les mairies, les écoles. La mairie de Paris commande un modèle portant le bonnet phrygien en 1880. Le modèle se fige peu à peu : c'est un buste de femme au visage calme et jeune portant parfois la couronne d'épis, plus souvent le bonnet phrygien. La République s'installe. |
Marianne installée, des bustes dans toutes les mairies Au vingtième siècle, toutes les mairies se dotent progressivement d'un buste de Marianne qui porte désormais systématiquement le bonnet phrygien et apparaît débarrassée de ses autres attributs (faisceau d'armes, niveau ou balance). Marianne est représentée de manière très épurée. Les dernières représentations, les plus en vogue dans les mairies aujourd'hui, sont celles reprenant les traits de Brigitte Bardot et de Catherine Deneuve. En marge des représentations officielles, des représentations libres se multiplient ; les caricaturistes s'emparent de Marianne comme image symbolisant la nation. L'assimilation de la République française à "La Marianne" est maintenant acquise. Marianne a survécu aux cinq Républiques et aux vicissitudes de l'histoire en renforçant son pouvoir symbolique à mesure que s'affirmait l'idée de la nation française. |