Ami, te souviens-tu
de la tombe noircie,
Tout au bord d'une
allée, à demi sous les fleurs,
Qui nous retint
longtemps et nous laissa rêveurs.
Le marbre en est
rongé par les vents et la pluie.
Elle songe dans
l'herbe et, discrète, se tait,
Souriante et sereine
au blond soleil de mai.
Elle songe dans
l'herbe, et, de sa rêverie,
La tombe chastement,
à ceux qui passent là,
Ne livre que le
nom effacé de Nina.
Ah! garde ton secret,
pauvre petite pierre,
Et laisse se vanter
tes orgueilleuses soeurs
De couvrir de leur
marbre une illustre poussière:
Ton silence en
dit plus que leurs regrets menteurs.
Je suis las de
ces morts vivant au cimetière
Et pleurés
en public par de bruyants sanglots.
J'aime à
trouver en toi la pudeur des tombeaux.
On la nommait Nina,
la pâle ensevelie.
Dis, combien de
baisers lui donna le printemps?
Dans quel rêve
s'est-elle à jamais endormie?
Qui fit-elle souffrir?
qui pleure ses quinze ans?
On ne sait. L'enfant
dort sous les fleurs, et la terre
Lui fait de mousse
verte un pudique suaire,
Et, lorsqu'on l'interroge,
à voix basse répond:
« On la nommait
Nina, je ne sais que son nom. »
Eh bien! c'en est
assez pour le cur du poète.
Un nom gai sur
la lèvre et parfumé d'amour
Suffit pour le
sourire et le rêve d'un jour.
La mort n'a que
seize ans, quand la tombe est muette.
D'hier elle est
couchée, et son front virginal
Porte encore au
cercueil la couronne du bal.
Laisse-moi te ravir
ta blanche fiancée,
Dalle froide où
Nina berce son long sommeil.
Je veux jusqu'au
matin attendre, à son réveil,
Le rire du salut
sur sa lèvre glacée;
Laisse-moi l'évoquer,
l'aimer selon mon cur,
Lui donner blonds
cheveux, oeil noir, mignonne bouche,
Et, la faisant
lever à demi sur sa couche,
Au front laisse-la-moi
baiser comme une soeur.
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Ami, te souviens-tu,
nous la rêvâmes belle,
Et depuis, bien
souvent, sans jamais parler d'elle,
Nos regards se
sont dit, dans un dernier regret:
« Si je l'avais
connue, oh! Ninette vivrait! »
1859.
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