V

Vabre. — Père d'Auguste, Clotilde et Théophile. Beau-père de Duveyrier. Propriétaire d'un immeuble de la rue de Choiseul, où il loge dans l'appartement de son gendre.  Vabre est petit et gros, complètement chauve avec deux touffes de cheveux blancs sur les oreilles; il a une face rougeaude, la bouche lippue, des yeux ronds et à fleur de tête [106]. C'est un ancien notaire de Versailles, qui a vendu son étude après quarante ans d'exercice, parce qu'aucun de ses fils ne s'est montré capable de lui succéder. La maison de la rue de Choiseul lui rapporte vingt-deux mille francs; tous ses enfants sont venus se loger là, avec l'espoir de ne pas payer de loyer, mais il présente lui-même les quittances le quinze, et chacun s'exécute, dans la crainte d'être rayé du testament. Le vieux Vabre travaille à un grand ouvrage de statistique, le dépouillement des catalogues officiels du salon de peinture ; il porte sur des fiches, à chaque nom de peintre, les tableaux exposés et, tous les ans, il met ses indications à jour [107]. En dehors de cette imbécile besogne qui l'absorbe, il n'a plus que quatre ou cinq idées qui se déroulent toujours dans le même ordre. Ses héritiers attendent patiemment sa mort, mais lorsqu'il est emporté par une attaque d'apoplexie, on constate que la passion du jeu entretenue en secret, l'a complètement ruiné, qu'il a perdu sa fortune dans des opérations de Bourse et que la maison est lourdement grevée d'hypothèques [282]. (Pot-Bouille.)

Vabre (Auguste). — Fils aîné du propriétaire. Grand garçon maussade, au sang pâle, figure de mouton malade, toujours des maux de tête qui lui tirent les yeux et qui l'ont empêché autrefois de continuer le latin. Très timoré, il est resté quinze ans petit employé de commerce, sans oser risquer les cent mille francs légués par sa mère, puis il s'est établi marchand de soieries au rez-de-chaussée de la maison paternelle. Il épouse Berthe Josserand, tombant dans un véritable traquenard, se laissant duper au contrat, perdant toute lucidité par ses migraines qui le rendent fou; et il est un mari maussade, méticuleux, bonhomme au fond, simplement désagréable et volontiers résigné, tant qu'on ne le jette pas hors de lui en dépensant son argent ou en touchant à sa morale [302].

Auguste souffre devant les toilettes trop éclatantes de sa femme, il a pour les dettes une horreur de garçon prudent, mais voudrait ne rien voir, défendant désespérément son coin de tranquillité somnolente et maniaque, vivant dans la continuelle terreur de découvrir quelque abomination qui Je mettrait hors de lui [307]. Lorsqu'il surprend Berthe en flagrant délit, il la chasse, rêve de se battre avec Octave Mouret et court Paris à la recherche de témoins ; puis, déprimé par son éternelle névralgie, il craint d'être tué, redevient pacifique, accepte un peu plus tard de reprendre sa femme si la dot est enfin versée, pardonne sans avoir obtenu un sou et revient enfin à la vie conjugale, ne demandant qu'à être en paix avec tout le monde. Ses embarras d'argent et la concurrence grandissante du Bonheur des Dames l'ont obligé à prendre un associé qui sera le second amant de Berthe. (Pot-Bouille.)

Son magasin est définitivement tué par la concurrence. Vabre a laissé dans le quartier le souvenir d'un grand serin [20] (Au Bonheur des Dames.)

Vabre (Madame Auguste). — Voir JOSSERAND (Berthe).

Vabre (Camille). — Fils de Théophile Vabre et de Valérie Louhette. On assure qu'après deux mois de mariage, désespérée de voir qu'elle n'aurait jamais d'enfant et craignant de perdre sa part de l'héritage du vieux Vabre si Théophile venait à mourir, Valérie s'est fait faire son petit Camille par un garçon boucher [78]. L'enfant désespère les bonnes par sa malpropreté; il fait caca dans la cuisine [275] (Pot-Bouille.)

Vabre (Clotilde). — Fille du notaire Vabre. Femme de Duveyrier. Elle est grande et belle, avec de magnifiques cheveux noirs, un visage long. d'une pâleur et d'un froid de neige, des yeux gris. Clotilde a une passion exagérée pour la musique, sans aucun autre besoin d'esprit ni de chair. A son piano, elle est comme une écuyère sur son cheval, mais cet enthousiasme qui fait de la maison un enfer pour Duveyrier, n'est qu'à fleur de peau: Clotilde chante avec une expression passionnée, qu'elle laisse tomber comme un masque dès la fin du morceau [236]. La jeune femme, qui possédait cent mille francs par sa mère, devait apporter en outre une dot de quatre-vingt mille francs, mais le père n'en a versé que dix mille; les Duveyrier attendent toujours le reste, ils ont même recueilli le vieux Vabre, voulant l'avoir sous la main, l'intéressant à leur fils Gustave qu'ils rêvent de faire avantager dans la succession.

Le ménage vit avec une correction tout extérieure. Dès la première nuit, Clotilde a pris son mari en horreur, dégoûtée de ses taches rouges; elle accepte encore parfois l'abominable corvée, avec une résignation de femme honnête qui est pour tous les devoirs, assez forte pour cacher à tous la haine et la répulsion physique que son mari lui inspire. Mais elle toléré volontiers des maîtresses, dont les complaisances la débarrassent. Et elle ignore si peu les habitudes extérieures de son mari qu'elle envoie tranquillement Octave Mouret chez Clarisse Bocquet, dont elle sait l'adresse, pour prévenir Duveyrier que le vieux Vabre est à l'agonie. Cette femme, égoïste et rapace, a beau être indifférente aux plaisirs des sens, elle sait parfaitement s'entendre avec le mari dédaigné, pour frustrer ses frères. Elle abandonne un instant ses attitudes olympiennes, se querelle violemment avec sa belle-sœur Valérie et, devant la maigreur de l'héritage, reste inconsolable d'avoir inutilement nourri le vieux pendant douze ans [283]. (Pot-Bouille.)

Vabre (Théophile). — Second fils du notaire. Mari de Valérie Loubette. Avorton aux cheveux jaunes, à lu barbe clairsemée. Dès vingt-huit ans, c'est un petit vieux secoué par des quintes de toux et de rage. Il a tâté une douzaine de métiers, commencé son droit, tenté l'industrie chez un fondeur, essayé de l'administration dans les bureaux du Mont-de-Piété, s'est occupé de photographie, a cru avoir trouvé une invention pour faire marcher les voitures toutes seules; enfin il place par gentillesse des pianos-flûtes, invention d'un de ses amis. Avec ses membres grêles, sa face de fille ratée, toussant et crachant, grelottant la fièvre, vivant dans la rage éplorée de son impuissance, il hait sa femme, dont les nerfs le tuent [65]. Trompé par elle, il s'agite en fureurs ridicules, se laisse vite convaincre d'erreur et termine sa courte révolte en demandant pardon. C'est un pauvre caractère. Devant son père mort d'une attaque, il s'émeut en pensant qu'il mourra peut-être de la même maladie [265]. Les malheurs conjugaux de son frère Auguste lui inspirent une commisération ou perce la gaieté: il est enchanté de n'être plus le seul homme ridicule de la famille. Fâché avec les Duveyrier qui ont mal agi dans des affaires de succession, il se réconcilie avec eux lorsqu'il comprend que son intérêt n'est pas de bouder davantage. (Pot-Bouille.)

Vabre (Madame Théophile). — Voir LOUHETTE (Valérie).

Vadon (Marguerite). — Vendeuse du rayon de confections, au Bonheur des Dames. Née à Grenoble, où sa famille tient un commerce de toiles, elle a dû être expédiée à Paris pour y cacher une faute, un enfant fait par hasard [62]. Petite, d'une mauvaise chair blanche, avec une mine innocente et dégoûtée, se conduisant très bien, elle offre un parfait contraste avec ce grand cheval de Clara Prunaire. Marguerite est très âpre au gain [110], elle prend avec les clientes une voix sèchement polie, une attitude désagréable de fille vêtue de soie, frottée à toutes les élégances dont elle garde, à son insu même, la jalousie et la rancune [136]. Après quelques années, elle retourne prendre la direction du petit magasin de Grenoble et se marie là-bas, avec un cousin qui l'attendait [491]. (Au Bonheur des Dames.)

Valençay (Baron De). — aide de camp de l'empereur. Épouse la tille aînée de la comtesse de Brétigny [340]. (L'Assommoir.)

Valençay (Paule De). — A dix-neuf ans, très riche, miraculeusement belle, mademoiselle de Valençay épouse le marquis Jean XII de Hautecceur. Neuf mois après, elle meurt en couches, laissant un fils, Félicien [65]. (Le Rêve.)

Valentin. — Fils de Guiraude, frère de Sophie. Son père, ouvrier tanneur, est mort phtisique. A vingt et un ans, Valentin, qui a vécu dans le contact quotidien du père, est chétif, les cheveux et la barbe rares, les pommettes saillantes et rosées dans un teint de cire. Le docteur Pascal parvient à retarder ta catastrophe par des piqûres de substance nerveuse, niais Valentin meurt de la phtisie héréditaire [214]. pendant que sa sœur Sophie. échappée au milieu, grandit en santé et en beauté. (Le Docteur Pascal.)

Valério II.— Cheval de l'écurie Corbreuse. Court dans le Grand Prix de Paris. Petit, très vif. Couleurs de l'écurie, vert tendre liseré de rose [409]. (Nana.)

Vallagnosc (Madame De). — D'une vieille famille de Plassans. Veuve et ruinée, n'ayant pour vivre que les débris de son ancienne fortune, elle est restée là-bas avec ses deux filles, tandis que son fils Paul, honteux de manger le pain des trois femmes, se plaçait à Paris, dans un ministère [77]. (Au Bonheur des Dames.)

Vallagnosc (Paul De). — Un ancien camarade de collège d'Octave Mouret, à Plassans. Grand garçon pâle, d'une pauvreté de sang distinguée [75]. Dernier rejeton d'une vieille famille parlementaire, de petite noblesse ruinée et boudeuse, il a été un fort en thème, toujours premier, donné en continuel exemple par le professeur, qui lui prédisait le plus bel avenir, tandis qu'Octave, à la queue de la classe, pourrissait parmi les cancres, heureux et gras, se dépensant au dehors en plaisirs violents. L'histoire de Paul est celle des garçons pauvres, qui croient devoir à leur naissance de rester dans les professions libérales, et qui s'enterrent au fond d'une médiocrité vaniteuse, heureux encore quand ils ne crèvent pas la faim, avec des diplômes plein leurs tiroirs. Lui, a fait son droit par tradition de famille et est venu occuper une petite place au ministère de l'intérieur, où il se tient enfoui, comme une taupe dans un trou; il y gagne trois mille francs [77].

Devant les ardeurs du passionné Octave Mouret, il prend une pose de fatigue et de dédain, mélange d'affectation et de réel épuisement de race : la vie ne vaut pas tant de peine, rien n'est drôle, tout arrive et rien n'arrive, autant rester les bras croisés. Un moment, il a rêvé de littérature, et il lui est resté de sa fréquentation avec des poètes une désespérance universelle; toujours, il conclut à l'inutilité de l'effort, à l'ennui des heures également vides, à la bêtise finale du monde [79]. Cet ami du néant ne consent pas à s'étonner devant les magnificences du Bonheur des Dames, car après tout, pense-t-il dans sa nonchalance de pessimiste, ce n'est jamais que beaucoup de calicot à la fois [137].

Il met une sorte de fanfaronnade dans l'immobilité de son existence, toutes les jouissances ratent, vivre est inepte et, si l'on ne se tue pas, c'est par simple paresse, pour éviter de se déranger; au fond, il n'y a peut-être que le mal qui soit un peu drôle [389]. Pourtant, devenu le mari de Blanche de Boves, qu'il a épousée sans emballement, pour être agréable au père, il éprouve une rude secousse devant la comtesse, surprise en flagrant délit de vol. Celte révélation le fait pleurer, il ne peut rattraper sa philosophie compromise, tonte son éducation bourgeoise renaît en indignations vertueuses contre sa belle-mère; et c'est en vain qu'Octave Mouret lui rappelle ses anciennes maximes : dès que l'expérience est tombée sur lui, au moindre effleurement de la misère humaine, dont il ricanait à froid, le sceptique fanfaron s'est abattu et a saigné [512]. (Au Bonheur des Dames.)

Vallagnosc (Madame Paul De). — Voir BOVES (Blanche De).

Valqueyras (Comte De). — Parent du marquis de Carnavant, l'a recueilli dans son hôtel du quartier Saint-Marc, à Massans [91]. (La Fortune des Rougon.)

Parent du marquis de Lagrifoul, député de Plassans. Le reçoit dans son bel hôtel du quartier Saint-Marc, lorsque Lagrifoul, qui habite La Palud, vient voir ses électeurs [309]. (La Conquête de Plassans.)

Valqueyras (Marquise De). — En 1873, elle reste l'unique représentante d'une très ancienne famille; fort riche et d'une avarice célèbre, veuve, avec une fillette de dix ans. La marquise habite à Plassans, au bas du cours Sauvaire, l'antique hôtel familial, une construction monumentale, du temps de Mazarin. Le docteur Pascal, venu pour demander ses honoraires à cette vieille avare, se laisse berner par elle et ne sait pas refuser une consultation gratuite à la demoiselle [266]. (Le Docteur Pascal.)

Vanderhaghen. — Médecin de la Compagnie des mines de Montsou. Un petit homme pressé, écrasé de besogne et qui donne ses consultations en courant. Tutoie tout le monde. Aux femmes qui ne dorment plus et qui ont mal partout, il répond qu'elles boivent trop de café ; les maris qui ont des douleurs, c'est leur femme qui les esquinte [113]. Pour consoler la Maheude, dont un fils a eu les jambes cassées dans un éboulement, il lui dit que le petit aurait pu y rester [217], et, devant Alzire Maheu morte de faim, il déclare, toujours courant, que. les mineurs ont bien tort de l'appeler, car c'est de la viande qu'il leur faut pour guérir [447]. (Germinal.)

Vandeuvres (Comte Xavier De). — Le dernier d'une grande race, féminin et spirituel. C'est, un homme fluet, très soigné, d'une rare distinction. Rien n'apaise ses appétits; son écurie de courses, une des plus célèbres de Paris, lui coûte un argent fou; ses pertes au Cercle Impérial se chiffrent chaque mois par un nombre de louis inquiétant; ses maîtresses lui dévorent bon an mal an une ferme et quelques arpents de terre ou de forêts, tout un lambeau de ses vastes domaines de Picardie [70]. Et il achève sa fortune avec Nana. C'est un coup de fièvre chaude, il a comme une hâte de tout balayer, jusqu'aux décombres de la vieille tour bâtie par un Vandeuvres sous Philippe-Auguste, trouvant beau de laisser les derniers besants d'or de son blason aux mains de cette fille, que Paris désire [345].

A la veille de la ruine, le comte devient nerveux, avec un pli cassé de la bouche et de vacillantes lueurs au fond de ses yeux clairs; mais il garde une hauteur aristocratique, la fine élégance de sa race appauvrie ; et ce n'est encore par moments, qu'un court vertige tournant sous ce crâne vidé par le jeu et les femmes [370]. Il joue sa dernière carte au Grand Prix; si ses chevaux ne gagnent pas, s'ils lui emportent encore les sommes considérables pariées sur eux, c'est un désastre, un écroulement [400]. Le comte de Vandeuvres ne résiste pas à la tentation du coup suprême qui peut le sauver : faire de son cheval Lusignan le grand favori et, sous mains, jouer sur sa pouliche Nana, systématiquement dépréciée depuis deux ans et dont personne ne veut. L'affaire réussit, c'est un gain de douze cent mille francs. Mais Vandeuvres a tout gâté par une plate bêtise, une négligence qui prouve bien sa fêlure, l'oubli d'avertir le bookmaker Maréchal [419]. Exclu des champs de courses, exécuté le soir même au Cercle impérial, le comte, qui depuis longtemps rêvait une fin retentissante, se fait flamber dans son écurie, avec ses chevaux [420]. (Nana.)

Vandorpe. — Chef de gare à Paris (chemin de fer du Havre) [33]. (La Bête humaine.)

Vanpouille (Frères). —Fourreurs, rue Neuve-des-Petits-Champs. Ne peuvent tenir le coup devant la concurrence du Bonheur des Dames [28]. ils sont obligés de sous-louer une partie de leurs magasins [263]. (Au Bonheur des Dames.)

Vanska (Comtesse). — Mondaine fort riche. Elle a chanté dans les cours, avant de se faire épouser par un Polonais qui la bat, dit-on [215]. Elle conserve des mœurs galantes et accorde ses baisers à prix fixe [129]. (La Curée.)

Vanzade (Madame). — La veuve d'un général. C'est une vieille dame très riche, presque aveugle, impotente. Elle habite à Passy un petit hôtel silencieux et fermé, où l'existence passe régulière, avec le tic tac affaibli des vieilles horloges ; les deux serviteurs antiques, une cuisinière et un valet de chambre, sont depuis quarante ans dans la famille ; de loin en loin, vient une visite, quelque général octogénaire, si desséché qu'il pèse à peine sur le tapis; c'est la maison des ombres, le soleil s'y meurt en lueurs de veilleuse, à travers les lames des persiennes [121]. C'est à madame Vanzade qu'une ancienne amie, la mère des Saints-Anges, envoie, comme demoiselle de compagnie, l'ardente Christine Hallegrain, qui devra lire interminablement des livres de piété ; mais, étouffant dans cette demeure close et rigide, Christine finit par s'enfuir, quoique sa maîtresse la traite doucement, la comble de cadeaux et l'appelle sa fille [122]. Madame Vanzade meurt quatre ans après et ses millions, qui eussent peut-être doté Christine, passent aux hospices, sauf une rente que les deux vieux serviteurs mangent en petits bourgeois [289]. (L'Œuvre.)

Vaquez (Judith). — Un modèle qui habite 69, rue du Rocher. C'est une grande juive assez fraîche, mais trop maigre [55]. (L'Œuvre.)

Vaucogne (Hector). — Mari d'Estelle Badeuil. Lors de son mariage, Vaucogne était un jeune employé d'octroi, joli garçon gâtant de belles qualités par une paresse extraordinaire. Quand les parents de sa femme se sont retirés, il a repris leur maison publique, mais, dépourvu du sens administratif, il a laissé toute la besogne à Estelle, passant ses journées à fumer des pipes, ne veillant pas à la casse, montant parfois avec une femme, mangeant l'établissement de toutes les façons. Après la mort d'Estelle, il néglige tout à fait le 19, on se bat dans les couloirs, on ne paye même plus, tant la surveillance est mal faite; Hector pousse l'inconscience jusqu'à aller au café, au grand scandale de ses beaux-parents [340]. Il finit par se faire évincer au profit de sa fille Elodie, en qui se retrouve heureusement le sang des Charles [492]. (La Terre.)

Vaucogne (Madame Hector). — Voir BADEUIL (Estelle.)

Vaucogne (Élodie). — Fille d'Hector Vaucogne et d'Estelle Badeuil. Petite-fille de M. et Madame Charles. Elle avait sept ans lorsque ses parents ont repris la maison publique du grand-père. On l'a mise alors dans un pensionnat de Châteaudun, chez les sœurs de la Visitation, pour y être élevée religieusement, comme l'a été sa mère, selon les principes les plus stricts de la morale. Ses grands-parents la reçoivent en vacances. Mangée de chlorose, trop grande pour ses douze ans, elle a la laideur molle et bouffie, les cheveux rares et décolorés de son sang pauvre, si comprimée d'ailleurs par son éducation de vierge innocente qu'elle en est imbécile [44]; le grand air de la campagne semble l'anémier encore [180]. Par un pieux mensonge, on a transformé pour elle le 19 en une boutique de confiserie où ses parents sont si occupés qu'ils ne peuvent la recevoir. Mais Victorine, une bonne renvoyée pour sa perversité, la renseignée depuis longtemps et, lorsqu'à dix-huit ans, Elodie est demandée en mariage par son cousin Ernest Delhomme, elle entend succéder aussitôt à sa mère, qui vient de mourir. Très grande, très mince, d'une pâleur de lis qui végète à l'ombre, cette vierge aux yeux vides, aux cheveux incolores, parle avec sérénité du métier où se sont illustrés les siens; et à peine débarquée à Chartres, elle se montre étonnante, aussi énergique et maligne que son mari. Les Charles peuvent être rassurés sur le sort du 19, leur petite-fille a le don [510]. (La Terre.)

Vaugelade (Duc De).—ancien maître du valet de chambre Gourd [3]. (Pot-Bouille.)

Venot (Théophile). — Un ancien avoué qui a eu la spécialité des procès ecclésiastiques et a fait sa fortune en servant les Jésuites. Il s'est retiré avec de belles rentes et mène une existence assez mystérieuse, reçu partout, salué très bas, même un peu craint, comme s'il représentait une grande force, une force occulte qu'on sent derrière lui. C'est un petit homme de soixante ans, avec des dents mauvaises et un sourire fin. Il se montre très humble, est marguillier à la Madeleine et a simplement accepté, pour occuper ses loisirs, une situation d'adjoint à la mairie du neuvième arrondissement [76] ; mais avec sa mine douée et grasse, c'est un terrible monsieur, qui trempe dans tous les tripotages de la prêtraille [209]. Installé chez les Muffat comme chez lui, écoutant tout le monde, ne lâchant pas une parole, souriant toujours, il surveille les événements, ayant l'unique souci de les faire tourner à la gloire du ciel.

Quand il voit le comte Muffat sur la pente du vice qui va le ruiner et l'avilir, monsieur Venot ne sourit plus, il a le visage terreux, des yeux d'acier clairs et aigus [93]. Il prodigue à Muffat les meilleurs arguments contre les tentations de la chair, puis feint de s'incliner devant la volonté de Dieu, qui, dit-il religieusement, prend tous les chemins pour assurer son triomphe [220]. Avec la conscience très nette de son impuissance, il accepte tout, la passion enragée du comte pour Nana, la présence de Fauchery près de la comtesse, même le mariage d'Estelle et de Daguenet. Plus la situation s'aggrave, plus il devient souple et mystérieux, nourrissant l'idée de s'emparer du jeune ménage comme du ménage désuni, sachant bien que les grands désordres jettent aux grandes dévotions [443]. Pour rapprocher le comte et sa femme, il n'hésite pas à mettre Nana dans son jeu, il la supplie de rendre le bonheur à une famille [381], il se fait tolérer chez elle afin de surveiller Muffat [476], et enfin, quand tout semble perdu, quand la honte et la ruine accablent le comte, il le sauve du scandale elle console par un retour définitif aux pratiques religieuses. (Nana.)

Verdier (Baron). — Propriétaire d'une écurie de courses. Fait courir son cheval Frangipane dans le Grand Prix de Paris [388]. (Nana.)

Verdier. — Un avocat de quarante ans, qu'Hortense Josserand juge très fort et par qui elle veut se faire épouser. Il vit depuis quinze ans avec une maîtresse qui passe pour sa femme dans le quartier, une bonne fille qui s'est rangée, le soignant, veillant à son linge; quant, à lui, il fait des apparitions dans les soirées, on le voit en conversations mystérieuses et rapides avec Hortense, qui n'a aucun doute sur un prochain mariage et pousse tranquillement au renvoi de la maîtresse. D'abord, Verdier a acheté des chemises à celle-ci, pour qu'elle ne s'en aille pas nue, puis il l'accoutumé à l'idée d'une rupture en découchant trois fois par semaine, mais au moment décisif un enfant survient; alors, Hortense espère que la fillette ne vivra pas, elle la dit toute scrofuleuse; elle accepte seulement que le mariage soit reculé au printemps, Verdier ne pouvant pas jeter la femme et l'enfant à la rue en plein hiver [490]. (Pot-Bouille.)

Verdonck. — Epicier à Montsou. Un petit détaillant dont le commerce est atteint par la concurrence de Maigrat. Il fait crédit pendant une semaine aux grévistes, dans l'espoir de retrouver son ancienne clientèle [284]. (Germinal.)

Verlaque. — Inspecteur à la marée. Petit homme pâle, toussant beaucoup, emmailloté de flanelle, de foulards, de cache-nez ; il a desjambes maigres d'enfant maladif. L'odeur du poisson lui faisant mal, il va se reposer à Clamart [123] et se fait suppléer par Florent, qui lui abandonne généreusement une partie, puis la totalité de ses appointements. Verlaque meurt dans une agonie affreuse [322]. (Le Ventre de Paris.)

Verlaque (Madame). — Petite, molle, très larmoyante. Quand Florent vient rendre visite à Verlaque et lui remet les cinquante francs qu'il lui abandonne chaque mois, elle l'accable de conversations dolentes, l'apitoie, obtient que le secours soit doublé ; puis, dans l'intervalle des visites, elle écrit souvent à celui qu'elle nomme son sauveur, lui soutirant ainsi de petites sommes qu'il envoie par la poste. Les cent cinquante francs mensuels du bon Florent passent ainsi au ménage. Le jour de l'enterrement de son mari, madame Verlaque, la voix larmoyante, mais sans une larme aux yeux, fait payer par Florent le cercueil et le convoi, jusqu'au pourboire des croque-morts, et, au moment de partir, elle le regarde d'un air si navré qu'il lui laisse vingt francs [323]. (Le Ventre de Paris.)

Vernier. — Critique d'art. A publié une étude sur le peintre Fagerolles. Jory assure que cet article ne fait que répéter les siens [256]. (L'Œuvre.)

Véronique. — Servante des Chanteau. Entrée chez eux à l'âge de quinze ans [3]. Grande fille avec des mains d'homme et une face de gendarme, joues à peau rude. Fantasque et violente, d'un naturel jaloux, toujours furieuse contre quelqu'un, Véronique a pour ses maîtres un dévouement de bête de somme. Lors de l'arrivée de Pauline Quenu, elle est dans la maison depuis vingt ans. D'abord hostile à la nouvelle venue, pleine de colère contre l'intruse, elle se laisse prendre peu à peu par le charme de l'enfant, voit les manigances dont Pauline est l'objet, se révolte contre l'égoïsme des Chanteau et dénonce enfin à la jeune fille leurs basses manœuvres [195]. Puis, à la mort de madame Chanteau, une nouvelle révolution s'opère en elle; le retour de Louise, son mariage avec Lazare, la naissance du petit Paul, les sacrifices continus de Pauline, auxquels Véronique ne peut rien comprendre, achèvent de la détraquer, elle finit dans son désarroi par se pendre à un poirier, dans le fond du jardin [447]. (La Joie de vivre.)

Vial (Abbé). — Second grand vicaire du diocèse de Plassans. Sa place, qui va devenir vacante, a été promise à l'abbé Bourrette [l60]; elle est donnée à l'abbé Faujas [343]. (La. Conquête de Plassans.)

Vial (Mélanie) (l). — Seconde femme de Jean Macquart. Fille unique d'un paysan aisé; c'est une robuste campagnarde. Grosse dès la nuit de noces, elle est accouchée d'un superbe garçon, puis de deux autres en trois ans, dans un de ces cas de fécondité pullulante qui ne laissent pas aux mères le temps d'allaiter leurs petits [130]. (Le Docteur Pascal.)

(l) Mélanie Vial, paysanne forte et saine, mariée en 1871 à Jean Macquart, veuf de Françoise Mouche. (Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)

Vian. — Maître charron, établi dans l'impasse Saint-Mittre, voisin d'Adélaïde Fouque. Il prend en apprentissage le jeune Silvère Mouret [166]. C'est un brave homme, qui défend Miette contre la méchanceté locale [215]. (La Fortune des Rougon.)

Victoire. — Cuisinière des Campardon. Vieille femme de soixante-dix ans, débordante de graisse. Elle n'est plus très propre à cause de son grand âge, mais elle a vu naître monsieur, c'est une ruine de famille que les maîtres respectent [21]. Elle raconte à l'office les vieilles histoires des Campardon et s'entend bien avec la femme de chambre Lisa, chacune protégeant le vice de l'autre. Celui de Victoire est l'ivrognerie [133]. (Pot-Bouille.)

Victoire (La Mère). — Femme du chauffeur Pecqueux. A été autrefois la nourrice de Séverine Aubry, qui venait do coûter la vie à sa mère. Plus tard, mariée avec Pecqueux, vivant mal à Paris, d'un peu de couture, exploitée par son mari qui mangeait tout, elle a rencontré sa fille de lait, et, par elle, est devenue la protégée du président Grandmorin. Celui-ci lui a obtenu un poste à la salubrité, la garde des cabinets de luxe à la gare Saint-Lazare, te côté des dames, ce qu'il y a de meilleur; la Compagnie ne donne que cent francs par an, mais elle s'en fait près de quatorze cents avec la recette, sans compter une chambre de l'impasse d'Amsterdam, où elle est même chauffée, et que les Roubaud utilisent comme pied à terre lorsqu'ils passent une journée à Paris [12]. Devenue énorme, difficile à remuer, elle glisse des pièces de cent sous dans les poches de Pecqueux, afin qu'il prenne du plaisir au dehors. Très économe, vivant chichement elle-même, Victoire, qui accepte le second ménage du Havre et qui traite son mari maternellement, répète volontiers qu'elle ne veut pas le laisser en affront là-bas; même, à chaque départ, elle veille sur son linge, car il lui serait très sensible que l'autre femme l'accuse de ne pas tenir leur homme proprement [80]. Devenue impotente à la suite d'une foulure, elle lâche son poste de la salubrité et se fait admettre dans un hospice [383]. (La Bête humaine.)

Victorine. — Cuisinière de Nana. Elle est mariée à François, le concierge et valet de pied [343]. (Nana.)

Victorine. — Une bonne des Badeuil, retirés à Rognes. C'est par elle que la petite Elodie Vaucogne a été renseignée sur le commerce de ses parents. Victorine est renvoyée pour inconduite [490]. (La Terre.)

Vigoureux. — Charbonnier rue de la Goutte-d'Or. Vend à Gervaise son coke au prix de la Compagnie du gaz [203]. (L'Assommoir.)

Vigoureux. — Marchand de marrons. Est installé rue de la Michodière, dans une étroite guérite, prise sur la boutique d'un marchand de vin [444]. (Au Bonheur des Dames.)

Vigouroux (Madame). — Femme du charbonnier. Voisine de Gervaise. Petite femme grasse, la face noire, les yeux luisants, fainéantant à rire avec des hommes [171]. (L'Assommoir.)

Vimeux. — Petit huissier minable, qu'on charge des corvées dont son confrère de Cloyes ne veut pas. Bout d'homme très malpropre, un paquet de barbe jaune, d'où ne sortent qu'un nez rouge et des yeux chassieux. Petite voix grêle. Toujours vêtu en monsieur, il a un chapeau, une redingote, un pantalon noirs, abominables d'usure et de taches. Vimeux est célèbre dans le canton, pour les terribles raclées qu'il reçoit des paysans, chaque fois qu'il se trouve obligé d'instrumenter contre eux, loin de lout recours [326]. (La Terre.)

Vinçard. — Marchand de soieries rue Neuve-des-Petits-Champs, près du passage Choiseul ; un magasin propre et clair, d'un luxe tout moderne, petit pourtant et pauvre de marchandises. Avec ses yeux ronds et sa bouche loyale, Vinçard a l'air franc, la mine ouverte, il donne sa parole d'honneur avec la facilité d'un homme que les serments ne gênent pas. C'est un finaud qui joint les deux bouts avec une avarice de chien et qui, battu en brèche par le Bonheur des Dames rêve de vendre son fonds avant la débâcle ; voulant séduire Robineau, il lui présente la maison comme une affaire d'or et s'interrompt pour geindre, malgré l'éclat d'une grosse santé, se plaignant de ses sacrées douleurs, qui le forcent à manquer sa fortune [20]. Le coup fait, ses rhumatismes ont disparu. Avec les quarante mille francs de Robineau, il a pris un restaurant à Vincennes ; celle idée d'un commerce de bouche, où l'on peut voler à l'aise, lui est venue après la noce d'un cousin, où l'on a fait payer dix francs par tête des pâtes nageant dans de l'eau de vaisselle [236]. (Au Bonheur des Dames.)

Vincent. — Tient un estaminet dans les environs de Montsou [311]. (Germinal.)

Vineuil (Commandant De). — Père de Gilberte. Retraité à à la suite de ses blessures, il a été nommé directeur des douanes, à Charleville. Le commandant, hanté par la mort de sa femme, que ta phtisie a enlevée toute jeune, a envoyé Gilberte dans. une ferme, près du Chêne-Populeux. Il meurt après avoir marié la jeune fille à l'inspecteur des forêts Maginot [262]. (La Débâcle.)

Vineuil (Colonel De). — Frère du commandant. En 1870, il commande le 106e de ligne, de la brigade Bourgain-Des-feuilles (7e corps). Le colonel a un grand air noble, une longue face jaune coupée de longues moustaches tombantes ; ses yeux sont restés très noirs, dans la blancheur des épais cheveux de neige. Le jour de Frœschwiller, le 106e campe à deux kilomètres de Mulhouse, vers le Rhin. Le lendemain, 7 août, avec toute la division, déjà démoralisée, il se replie vers le sud, couche à Dannemarie et rentre le soir du 8 à Belfort, d'où il était parti quatre jours auparavant. Après une période d'inaction et de malaise, dans l'attente d'ordres supérieurs, on part le 18 pour rejoindre l'armée de Châlons, en passant par Langres et Paris. Le 21 août, le 106e est à Reims, il va prendre part à la marche sur Verdun et Metz, qui, bientôt déviée dans là direction dés Ardennes, aboutira au cul-de-sac de Sedan. Cet acheminement de quatre corps d'armée vers l'abîme sera rendu plus poignant par la présence du souverain qui, n'ayant plus de place dans son empire, va être emporté comme un paquet inutile et encombrant, parmi les bagages de ses troupes, condamné à traîner derrière lui l'ironie de sa maison impériale [73]. On se met en route dans une extrême confusion.

Ce que le colonel de Vineuil a vu et entendu pendant le premier mois de la campagne l'anéantit; il ne lui reste plus que son courage, dans son autorité de chef un peu faible qui le fait aimer plutôt que craindre de son régiment. Le 106e couche le 23 août à Dutrien [80], le 24 à Contreuve [85] et, comme le convoi s'est égaré, les soldats vivent de maraude, les officiers jeûnent. Le 25, on atteint Vouziers [98]; là, mal renseigné sur les mouvements de l'ennemi, on garde jusqu'au 27 une position de combat; les troupes, immobilisées sans raison, dévorées par l'attente, éprouvent le malaise d'être mal conduites, attardées à tort, poussées au hasard dans la plus désastreuse des aventures [110]; le colonel a bien inutilement harangué ses hommes : « Tenez-vous prêts et souvenez-vous que le 106e n'a jamais reculé » [106]. La marche reprend le 28, hésitante, sous un effroyable déluge et un vent furieux [122]. Dans la soirée, le régiment est à Boult-aux-Bois ; harassé, il n'y reçoit qu'une maigre distribution de pommes de terre [127]. Le 29, la pluie n'a pas cessé; refoulée par les Prussiens, noyée dans la houe, l'armée a dû abandonner la direction de Stenay, qui la rapprochait de l'immobile Bazaine, et elle va plus au nord, vers la Besace, dans un piétinement de troupeau pressé, harcelé par les chiens. On atteint péniblement Oches [135], et à partir de ce moment il n'y a plus de distributions de vivres.

La discipline a disparu, les soldats ont cessé de croire à leurs chefs. Dans l'acharnement de la malchance, dans l'excès des fautes commises, il n'y a plus, au fond de ces cerveaux bornés, que l'idée de trahison qui puisse expliquer une telle série de désastres [151]. Le 30, on se dirige sur Mouzon, puis sur Villers, puis sur Remilly, par le défilé d'Haraucourt, on est affolé par le canon de Beaumont et la surprise de Varniforêt; le soleil a reparu, il fait très chaud; à partir de Raucourt, la queue des colonnes est atteinte par les obus ennemis, les soldats exténués, tombant d'inanition, se raniment sous l'éperon cuisant du péril. Et c'est maintenant, dans une démoralisation et une anxiété croissantes, l'agonie dernière de la retraite forcée sur Sedan. A Remilly, après des heures angoissantes devant le pont encombré par la cavalerie, la brigade renonce à passer la Meuse; elle suit la rive gauche. Le 31, au petit jour, elle entre dans Sedan par la porte de Torcy [176], ne fait que traverser la ville et va camper pins au nord, près de Floing, sur le plateau de l'Algérie. On est enfin parvenu au lieu du massacre. Engourdies sous les brumes de la rivière, les troupes sont ivres de fatigue, de faim et de froid.

Le colonel est là, à l'angle de deux routes, très grand, très pâle, tel qu'un marbre de la désespérance; son cheval frissonne au froid du matin, les naseaux ouverts, tournés là-bas, vers le canon. A dix pas en arrière, flotte le drapeau qui, dans la blancheur molle et mouvante des vapeurs matinales, semble en plein ciel de rêve, une apparition de gloire, prêle à s'évanouir [234]. Dans la terrible journée du ler septembre, le 106e, allongé sur le plateau, à plat ventre dans les choux, reçoit les feux croisés des batteries prussiennes établies sur le Hattoy et à Frénois; vers midi, par un suprême effort, il se porte vers le calvaire d'Illy; le colonel de Vineuil soutient ses soldais sous le feu, trouvant des paroles pour chacun, parlant de la France d'une voix tremblante de larmes; mais on ne peut tenir longtemps sous un déluge de feu et, bientôt, c'est la fin, c'est l'inévitable déroute de malheureux qui, pendant douze heures, ont attendu, immobiles, sous la foudroyante artillerie d'un ennemi invisible, contre lequel ils ne pouvaient rien [366].

Battu, écrasé avec toute l'armée, le régiment en retraite par le bois de la Garenne n'aura vu d'autres Prussiens, depuis l'entrée en campagne, que trois uhlans trop hardis, le 29 août, près d'Authe [131] et, le jour de Sedan, une dizaine de casques à pointe, vile dissimulés dans un petit bois [250]. Internés dans le Camp de la Misère, sur la rive droite de la presqu'île d'Iges, les survivants du 106e sont emmenés en captivité, après quelques jours d'affreuse détresse [443].

Le colonel de Vineuil, blessé sur le champ de bataille, était resté à cheval jusqu'au bout, puis on l'avait transporté à Sedan, chez Delaherche, le mari de sa nièce Gilberte. En décembre, sa blessure est guérie, mais il reste dans un grand accablement moral, il maigrit, devient une ombre, sans que le médecin qui le soigne puisse découvrir la cause de cette mort lente; ainsi qu'une flamme, il s'éteint [543]. Pendant de longues semaines, il a vécu cloîtré, sourd aux bruits du dehors, atterré par les catastrophes qu'il devinait, acceptant l'unique compagnie de sa vieille amie, madame Delaherche mère. A la fin de décembre, il meurt foudroyé par fa lecture d'un vieux journal, où se trouve le récit de la reddition de Metz [566]. (La Débâcle.)

Vineuil (Gilberte De). — Fille du commandant. Mariée en premières noces à Maginot et en secondes noces à Jules Delaherche. Quand elle avait neuf ans, son père, inquiet de l'entendre tousser, l'a envoyée dans une ferme, prés du Chêne-Populeux, où elle a connu Henriette Letellier. Elle était déjà d'une coquetterie turbulente, elle jouait la comédie, voulait toujours faire la reine, drapée dans tous les chiffons qu'elle trouvait, gardant le papier d'argent du chocolat pour s'en fabriquer des bracelets et des couronnes. Plus tard, elle reste la même, lorsque, à vingt ans, elle épouse un inspecteur des forêts, Maginot. Méziéres lui déplaisant par sa tristesse, elle continue d'habiter Charleviile, dont elle aime la vie large, égayée de fêtes. Son père est mort, Maginot est un mari pacifique, Gilberte jouit d'une liberté entière. Dans le flot d'uniformes où, grâce aux anciennes relations paternelles, elle a vécu à cette époque, son seul amant a été le capitaine Beaudoin. Sans méchanceté perverse, adorant simplement le plaisir, elle a cédé à son irrésistible besoin d'être belle et gaie [262]. En 1869, devenue veuve, et malgré les histoires qu'on chuchote sur son compte, elle trouve un second mari, Jules Delaherche.

Grande, l'air souple et fort, avec de' beaux cheveux noirs, de beaux yeux noirs, et pourtant très rose de teint, la mine rieuse, un peu folle, Gilberte va traverser la guerre, elle verra les horreurs de l'ambulance et restera toute à sa joie, elle gardera son air d'oiseau qui secoue les ailes même sous l'orage. Et, malgré la surveillance de madame Delaherche mère, elle couche gentiment, la veille de Sedan, avec son ancien ami Beaudoin, trouvant naturel de faire un dernier cadeau de plaisir à l'ami qui va se battre [261]. Pendant l'occupation, elle se montre aimable pour le capitaine de

Gartlauben, de la landwehr, elle coquette avec lui comme elle faisait autrefois, à Charleville, avec les officiers français, et, dans un besoin de se partager, ne se contentant pas d'amuser la vanité du Prussien, elle est la maîtresse du jeune Edmond Lagarde, si brave, si joli, à qui elle n'a pas pu se refuser [561]. (La Débâcle,)

Violaine (Louise). — Petite actrice des Variétés, poussée sur le pavé parisien [111]. Elle double Nana dans la Blonde Vénus et obtient un très joli succès [205]. (Nana.)

Virginie (La Grande). — sœur de la brunisseuse Adèle. Ouvrière faisant la noce. C'est une grande brune, jolie malgré sa figure un peu longue [23]. Lorsque Lantier, devenu l'amant d'Adèle, abandonne Gervaise, Virginie vient narguer celle-ci au lavoir, se bat avec elle et est vigoureusement fessée devant toutes les blanchisseuses [35]. Elle quitte le quartier et n'y revient qu'après plusieurs années, mariée à Poisson qu'elle a connu au Gros-Caillou et avec qui elle s'installe rue Neuve de la Goutte-d'Or, dans la maison des Goujet [225]. Les querelles d'autrefois semblent oubliées, Virginie pousse Lantier dans les bras de Gervaise [304] et assiste avec une joie silencieuse à la ruine des Coupeau; elle reprend leur boutique pour y monter un petit commerce de bonbons et chocolats [403] et fait dès lors la dame de comptoir, trompant Poisson avec Lantier, se vengeant cruellement de Gervaise qui, réduite à la misère, vient faire les grosses besognes dans son ancienne boutique, sous les yeux des deux amants [481]. Le petit commerce finit d'ailleurs par mal tourner et, quand le papier timbré fait son apparition, Virginie est lâchée à son tour par Lantier. (L'Assommoir.)

Viscardi. — Réfugié politique vénitien [66]. Attend mélancoliquement l'écrasement de l'Autriche. Fréquente chez les Balbi. (Son Excellence Eugène Rougon.)

Voincourt (Comtesse de). —Mère de Claire de Voincourt. Habile à Beaumont un bel hôtel attenant à l'évêché [207]. (Le Rêve.)

Voincourt (Claire de). — Doit être mariée à Félicien de Hautecœur. De part et d'autre, on ne peut souhaiter mieux comme nom et comme argent. C'est une grande demoiselle brune, de l'âge d'Angélique Marie, fort belle, d'une beauté éclatante, avec une démarche de royale distinction. On la dit très bonne, malgré son air de froideur [208]. Un miracle ayant réalisé le rêve de mariage d'Angélique Marie, mademoiselle de Voincourt assiste à la cérémonie nuptiale, et elle y chante, d'une voix très belle, très pure [306]. (Le Réve.)

Voriau. — Grand chien noir appartenant à Bambousse, le maire des Artaud [30]. (La Faute de l'abbé Mouret.)

Vuillaunie. — Père de madame Marie Pichon. Petit et sec, très vieux, mine grise. A été pendant trente-neuf ans commis rédacteur au ministère de l'instruction publique. On l'a décoré à soixante ans. Retraité avec deux mille francs, il est rentré dans les bureaux comme expéditionnaire à quinze cents francs, la petite Marie étant née sur le tard. Plus tard, la jeune fille mariée, les Vuillaume se sont retirés à Montmartre, rue Durantin, venant chaque dimanche passer la journée chez leur gendre. Une première grossesse de Marie leur a paru normale, mais ils ont bien spécifié que le jeune ménage devait s'arrêter là. Deux autres enfants coup sur coup les emplissent de consternation et de colère, ils s'alitent, rompent toute relation avec les Pichon et veulent même les déshériter [466]. (Pot-Bouille.)

Vuillaume (Madame). — Ressemblance physique avec son mari. Elle n'a été mère qu'à quarante-neuf ans. Ses idées sur l'éducation des filles se résument en ceci qu'une demoiselle en sait toujours de trop [84]. C'est elle qui, en mariant sa fille, a exigé que le jeune ménage n'ait qu'un enfant. (Pot-Bouille.)

Vuillaunie (Marie). — Femme de Jules Pichon. Mère de la petite Lilitte. C'est une jeune femme blonde, au pâle visage de fille tardive, née de parents trop vieux, à la peau d'une finesse et d'une transparence de chlorose, aux cheveux rares serrés en un mince chignon, aux yeux clairs et vides, avec des traits fins et jolis pourtant [81]. Son enfance a été tenue dans une ignorance et une niaiserie systématiques. Elle est très réservée, presque sauvage, avec des confusions qui, à chaque instant, sans cause apparente, lui jettent tout le sang au visage. Devenue mère, elle regarde sa fille avec l'hébétement d'une vierge stupéfaite d'avoir pu faire ça [87]. Elle a le regret maladif d'une autre existence, rêvée jadis au pays des chimères, elle a un besoin de l'au-delà, la lecture du premier roman l'affole et, sans presque s'en apercevoir, elle glisse à l'adultère, elle se laisse prendre par Octave Mouret, devant Lilitte endormie. Et elle continue à vivre avec son clair regard d'innocente, sans une émotion à voir son amant si près de son mari, les servant tous deux selon leurs goûts, de son air un peu las d'obéissance passive. Octave a rompu avec elle, elle le laisse revenir quand il le veut, sans force, paralysée par cette volonté d'homme qui s'impose. C'est à la fois chez elle de la bonté, de la peur et de la bêtise [360], logique résultat de son éducation de poupée. (Pot-Bouille.)

Vuillet. — Libraire à Plassans. Personnage aux mains humides, aux regards louches, catholique pratiquant, honoré de la clientèle des nombreux couvents et des paroisses. A pris une importance politique par la publication d'un petit journal religieux qu'il rédige dans un style plein d'humilité et de fiel [94] Vuillet vend aussi, sous le manteau, des gravures et des ouvrages obscènes qui l'exposent à la police correctionnelle et lui valent la clientèle assidue des collégiens de Plassans. Abouché aux Rougon, il suit les événements, prêt à pêcher en eau trouble. Dans le désarroi du coup d'Etat, il occupe tranquillement, de sa seule initiative, l'hôtel des Postes, dont le directeur a été arrêté par les insurgés, et là, il fouille dans le courrier, flaire la correspondance de Pierre Rougon et y trouve une lettre confidentielle d'Eugène, grâce à laquelle il rallie son journal au nouveau pouvoir, alors que les autres cherchent encore leur voie. Félicité, qui l'a pris la main dans le sac, s'entend facilement avec ce fripon et, pour prix du traité, lui fait rendre la clientèle du collège, vente assurée de quatre à cinq mille francs par an, qu'on lui avait retirée à cause de ses spéculations pornographiques [321]. (La Fortune des Rougon.)