Ce que je veux,
sur le coteau,
C'est, lorsque
Mai vient nous sourire,
Une cabane qui
se mire
Dans le miroir
clair d'un ruisseau;
C'est un nid perdu
sous les branches,
Ou ne conduise
aucun chemin,
Un nid qui n'ait
d'autre voisin
Que le nid des
colombes blanches.
Ce que je veux,
à l'horizon,
C'est, au pied
d'une roche grise,
Un bouquet de pins
dont la brise
Le soir apporte
la chanson;
C'est une suite
de vallées,
Où les rivières,
dans leurs jeux,
Errent d'un pas
capricieux,
Blanches sous les
vertes feuillées;
Où les vieux
oliviers songeurs
Courbent leurs
têtes grisonnantes;
Où les vignes,
folles amantes,
Grimpent gaîment
sur les hauteurs.
Ce que je veux,
pour mon royaume,
C'est à
ma porte un frais sentier,
Berceau formé
d'un églantier
Et long comme trois
brins de chaume;
Un tapis de mousse
odorant,
Semé de
thym et de lavande,
Seigneurie à
peine aussi grande
Que le jardinet
d'un enfant.
Ce que je veux,
dans ma retraite,
Créant un
peuple à mon désert,
C'est voir, sous
le feuillage vert,
Flotter mes rêves
de poète.
Mais, avant tout,
ce que je veux,
Sans quoi j'abdique
et me retire,
Ce que je veux,
dans mon empire,
C'est une reine
aux blonds cheveux;
Reine d'amour à
la voix douée,
Au front pensif,
aux yeux noyés,
Et dont les mignons
petits pieds
Ne fanent pas mes
brins de mousse.
Aix, mai 1859.
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